
Projet urbain Clarensemble – Concours de dessin avec les écoles de Clarens. Source: Jean-Philippe Dind
La mixité sociale, objectif récurrent des politiques urbaines, est une notion qui pose davantage de questions qu’elle n’en résout. Sans vouloir ici refaire le débat, disons seulement en introduction qu’il n’y a pas a priori de vertu intrinsèque à la mixité, si elle est définie comme « coprésence de populations diversifiées ». Il y a des mixités qui fonctionnent et des mixités conflictuelles. Une « bonne » mixité ne se décrète pas, mais elle est le résultat de démarches, publiques et privées, visant à la fois au respect des différences individuelles ainsi qu’à la cohésion sociale. L’objectif d’un « vivre ensemble, unis et différents », paraît préférable à celui, plus indéfini, de mixité sociale. Des mesures en faveur de l’unité sociale et du respect des différences peuvent être prises dans les domaines suivants :
- La prise en compte des différences et la promotion de la compréhension mutuelle : sensibilisation au racisme, médiation, cours d’intégration culturelle…
- l’équité d’accès aux ressources urbaines : logements, emplois, formation, services…
- la possibilité de participer à la vie sociale locale : démarches participatives, soutien aux associations…
- le renforcement des appartenances communes : développement d’une culture et d’une identité locale, rappel des traditions locales, événements festifs et partagés, activités sportives et culturelles, lieux de vie…
L’objectif de mixité sociale sous-tend l’ensemble du projet urbain Clarensemble à Montreux. Plus précisément, il s’agit d’améliorer le vivre ensemble au travers de démarches concertées pour l’aménagement de lieux de vie à Clarens. En effet, les espaces publics sont les espaces de visibilité de la mixité et lieux d’expression du « vivre ensemble » : faire participer la population à leur conception permet à la fois de réunir les habitants autour de projets communs, et définir collectivement les conditions du vivre ensemble sur ces espaces.
A l’origine, Clarens était un village vigneron qui s’est vu progressivement inclus dans l’agglomération de Vevey-Montreux. C’est aujourd’hui un quartier résidentiel dense composé d’immeubles locatifs des années 1970-1980, et de rues fortement dominées par l’automobile. Il compte environ 7’000 habitants, à revenu plutôt modeste, souvent d’origine étrangère. Les acteurs locaux ont relevé des difficultés liées au trafic, une certaine ségrégation socio-spatiale, ainsi qu’un manque de lieux publics pour des activités collectives.
Dès 2008, la Commune de Montreux a saisi l’opportunité du programme « Projets urbains – Intégration sociale dans des zones d’habitation » de la Confédération pour mettre en place une démarche associant les acteurs de l’action sociale et de l’urbanisme, ainsi que les habitants de Clarens. Concrètement, une équipe de projet composée des responsables communaux de l’urbanisme, des travaux, des écoles, de l’animation jeunesse, de la police et de l’action sociale est en charge de mener à bien un certain nombre de « projets-phares » tels que la réalisation d’une place publique, la construction d’une maison de quartier, ou la mise en place de mesures d’aménagement des rues de Clarens. La CEAT (Communauté d’études pour l’aménagement du territoire) organise les démarches participatives. De plus, le Canton de Vaud et la Confédération participent au financement et au pilotage de la démarche. L’amélioration de la mixité et du vivre ensemble passe par différentes mesures :
D’une part, la population est conviée à participer directement à la conception des futurs aménagements, et ce dès le début des projets. Ainsi des ateliers publics ont permis de préciser les attentes des habitants pour l’aménagement de la future Grand’Place (transformation d’un parking privé en place publique). D’autres ateliers ont aussi permis de récolter des propositions pour améliorer la mobilité piétonne, la sécurité routière, ou l’aménagement des places de jeu. Pour la maison de quartier, il s’agit non seulement de définir les besoins pour des locaux communs, mais de constituer dès le départ un groupe de futurs usagers pour mettre en place les conditions d’utilisation de ces lieux.
Mais comme chacun sait, une des difficultés des ateliers publics est de parvenir à faire participer certains groupes traditionnellement peu présents : les enfants, les jeunes, les parents, les personnes d’origine étrangère… Il s’agit donc aussi d’envisager d’autres démarches permettant de les associer. Des activités plus ciblées ou plus « grand public » sont organisées à certains moments-clés du projet : les élèves de l’école de Clarens vont réaliser un concours de dessins sur le thème de la mobilité, et l’exposition de ces dessins sera aussi l’occasion d’inaugurer les nouvelles zones 30 avec la population.
D’autres démarches moins liées à l’aménagement ont été entreprises pour répondre aux demandes spécifiques de certains habitants. Tout d’abord, la fête des voisins a été organisée pour la première fois à Montreux en 2010, et elle a rencontré un certain succès. Pro Senectute Vaud vient aussi d’initier une démarche de « diagnostic communautaire », qui vise à mieux connaître le vécu et les demandes des aînés, notamment sous l’angle de la future maison de quartier. Par ailleurs, une réunion avec les associations locales a permis de mettre en œuvre ou de prévoir des « micro-projets » tels qu’un panneau d’information des associations, une animation musicale lors de la fête des voisins, une animation théâtrale de rue, etc. Finalement, l’équipe de projet est en train d’examiner des mesures pour améliorer la qualité de vie dans les immeubles, par exemple en organisant un cours de « médiation interculturelle » à l’attention des concierges ou en renforçant les partenariats avec les propriétaires dans le cadre de la création ou de la rénovation de logements.
Promouvoir la mixité sociale ne consiste donc pas uniquement à définir un quota de logements sociaux. Dans le cadre du projet urbain Clarensemble, cette mixité est valorisée en priorité au travers de projets concertés d’aménagement de lieux publics : ces démarches permettent à une diversité d’usagers de s’impliquer dans l’évolution de leurs espaces de vie et de définir ensemble les conditions d’une coexistence harmonieuse des pratiques sociales accueillies en ces lieux.
Référence: http://www.clarensemble.ch
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