Prof. François Buyle-Bodin, université Lille 1, laboratoire LGCgE
francois.buyle-bodin@univ-lille1.fr
Ce projet déposé en début d’année à l’ANR ECO-TS porte sur l’économie circulaire des matériaux de construction inertes, depuis la démolition des constructions anciennes d’un site en rénovation jusqu’à l’arrivée des matériaux de construction sur les chantiers des nouvelles constructions localisées sur le même site ou secteur. Le fait que le site soit identique ou à proximité mais en contexte urbain justifie le titre « reconstruire la ville sur la ville ».
Les partenaires de ce projet sont des spécialistes des ACV des matériaux de construction (ENPC École Nationale des Ponts & Chaussées, CSTB Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, Université et INSA de Strasbourg), des universitaires et professionnels spécialistes de la maîtrise d’ouvrage d’opérations urbaines et d’écologie industrielle (laboratoires LGCgE, TVES et CLERSE de Lille1, KALEA) et des spécialistes des technologies de recyclage et d’élaboration des bétons (IFSTTAR ex LCPC et NEO-ECO Engineering).
L’économie circulaire des matériaux de déconstruction-reconstruction est déjà bien engagée dans beaucoup de pays et depuis de nombreuses années. Mais elle manque d’efficacité pour plusieurs raisons à replacer dans les différentes étapes du cycle.
1- Déconstruction : cette étape est marquée par de nombreuses innovations depuis plus de vingt ans où nous sommes passés de la démolition à la déconstruction sélective. Mais concernant les inertes, le tri amont reste limité et de fait l’ensemble de ces matériaux (béton, pierre, brique, terre cuite, mais aussi le plâtre et d’autres indésirables) part en centre de recyclage, en mélange le plus souvent. Il arrive également qu’ils partent en décharge pour des raisons économiques en l’absence d’installations de recyclage à proximité. Cela se fait en ISDI (installation de stockage de déchets inertes), malheureusement plus ou moins légales, sans traçabilité ni critères de qualité sur les matériaux entrants, et sortants.
2- Recyclage : cette étape est également passée à un stade industriel. Mais l’absence de tri en amont fait que les matières premières recyclées sortant de l’installation sont déclassées. Elles trouvent des applications à faible ou moyenne valeur dans le remblai et la route, alors que des valorisations sont possibles vers des matériaux plus nobles comme le béton. Des technologies de tri sur les sites industriels de recyclage sont en cours de développement mais restent onéreuses sans garantie d’équilibre économique à moyen terme.
3- Le recyclage des inertes se pratique également sur place, mais de façon mal contrôlée et sous forme de concassage et de tri simplifié. Les produits recyclés sont valorisés comme matériaux de remblai ou de couche de forme. Il s’agit là d’un embryon de circuit court, que le projet REVIsurVI ambitionne de développer.
4- valorisation par incorporation dans les matériaux de construction : cette étape se fait en général hors des villes, dans des centrales à béton pour ce qui nous concerne, ce qui implique une réimportation vers les chantiers, au même titre que les matériaux naturels.
Le cycle tel qu’il est organisé aujourd’hui est marqué par un impact élevé du transport, qui se fait quasi exclusivement par la route, à l’aller en quittant le site de démolition comme au retour vers le site de construction. Les matériaux inertes sont en raison de leur densité élevée et de leur nature granulaire classés comme pondéreux et transportés par des camions de gros tonnage.
Le projet ambitionne donc de développer des circuits courts qui visent à stocker les matériaux issus de la déconstruction sur site, les transformer et les reconditionner avec un minimum de transport et dans le respect de l’environnement, forcément urbanisé.
Cela nous ramène plusieurs siècles en arrière, quand le monde n’était pas encore industrialisé, que la main d’œuvre était abondante et bon marché, que les nuisances étaient acceptées, que les transports étaient compliqués et que les circuits courts étaient donc de rigueur. Le respect de l’environnement n’était pas alors une contrainte. Et le niveau du sol des villes montait régulièrement à cause de l’empilement des gravats, et son sous-sol se vidait à cause des carrières. Aujourd’hui, il doit être démontré que le circuit court redevient pertinent dans le contexte présent de respect de l’environnement, qui impose de ne pas déposer sur le sol n’importe quoi, de ne pas polluer l’air et l’eau, de veiller à l’impact climatique, et de ne pas nuire à la qualité de vie en milieu urbain.
Les avantages des circuits courts sont évidents en termes de logistique, générant des économies et une diminution des impacts et des nuisances liés au transport.
La qualité du stockage en lots bien identifiés sur site et leur recyclage par une valorisation adaptée doit permettre une amélioration de la valorisation dans la production de nouveaux bétons, ce qui optimisera l’économie circulaire de ce matériau qui est le plus employé dans la construction aujourd’hui.
Un autre avantage plus difficile à évaluer sera de ramener en ville des emplois aujourd’hui partis en périphérie.
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