Un article de Stéphane Miget sur lemoniteur.fr
© CRER Le CLER Poitou-Charentes – Avec ce bâtiment tertiaire passif et à énergie positive, le Centre régional des énergies renouvelables (CRER) Poitou-Charentes, fait la démonstration qu’éco-construire ne coûte pas plus cher que construire selon des modes traditionnels.
Construire des bâtiments tertiaires à énergie positive avec des matériaux biosourcés à un coût raisonnable, c’était le pari relevé par l’équipe de maîtrise d’œuvre du nouveau bâtiment du CRER Poitou-Charentes. Pari tenu avec un bâtiment intelligemment conçu, qui ne sacrifie ni la qualité, ni la conception architecturale et qui respecte le budget.
Etre exemplaire au plan de l’éco-construction, valoriser les filières locales tant pour les entreprises que pour les matériaux forcément biosourcés, construire un bâtiment à la fois passif et positif, tout en étant reproductible et à un coût comparable à celui d’une construction traditionnelle du secteur tertiaire – 1500 € HT ou 2000 € TTC/ m2 utile en coût global avec maîtrise d’œuvre –, tel était le cahier des charges du CRER (Centre régional des énergies renouvelables) Poitou-Charentes pour la construction de son nouveau siège social. Jocelyn Fuseau, architecte du projet, se souvient : « De prime abord, j’ai pensé que ce ne serait pas possible. Franchement, construire des bureaux à énergie positive avec ce niveau d’exigence et avec un budget travaux de 1 500 € HT le m2 de plancher utile…»
Simplicité constructive
Celui-ci relève cependant le défi en proposant un bâtiment bioclimatique qui fait la part belle au solaire passif et aux énergies renouvelables, sans oublier le parti architectural : « J’ai proposé une architecture simple et subtile ». Cela se matérialise par un bâtiment ramassé sur lui-même avec une façade sud largement ouverte pour bénéficier des apports solaires en hiver, des casquettes pour se protéger en été et un bardage en châtaigner thermo-huilé issu des forêts voisines. Le souci d’économie est intégré immédiatement : « La simplicité constructive se concrétise par la compacité. L’étage se superpose sur le rez-de-chaussée ». Un choix qui permet de réaliser les reprises de charges, sans avoir à prévoir d’autres dispositifs onéreux que celui des murs porteurs.
Qualité au rendez-vous
Le plus remarquable, c’est la qualité toujours au rendez-vous, qu’il s’agisse des produits et systèmes ou de la mise en œuvre par les entreprises. Si l’on parle mise en œuvre, le résultat du test d’étanchéité à l’air est de très bon niveau puisqu’on a ici seulement 0,11 m3/h de fuites sous 4 Pascal, à comparer au 0,60 demandé pour une construction RT 2012 : « Les seules fuites identifiées sont celles des barillets des serrures ! », s’amuse Jocelyn Fuseau. Même aspect qualitatif concernant les produits utilisés, comme les menuiseries bois à triple vitrage y compris en façade sud : « Nous avons beaucoup d’apport solaire par la façade sud en hiver. Façade qu’il faut aussi protéger du froid. D’où un compromis avec des menuiseries triple vitrage équipées d’un vitrage doté d’un facteur solaire supérieur à 0,50, ce qui est une bonne performance ».
L’isolation est aussi particulièrement soignée avec des parois à ossature bois (façades sud-ouest et est) bénéficiant d’une double isolation – ouate de cellulose (145 mm dans les parois) et panneaux de fibres de bois (80 mm). En accord avec le bureau de contrôle et pour affirmer le caractère démonstratif de la proposition, la façade nord est réalisée selon un mode constructif bois-paille. La couverture bénéficie de 350 mm d’ouate de cellulose insufflée. A l’intérieur, l’inertie est obtenue avec des parois en terre crue et un enduit à base d’argile.
Absence de faux-plafond
Autant de solutions qui a priori sont onéreuses, et nous n’avons pas encore parlé des équipements techniques ! Alors comment ces choix, outre la compacité architecturale, sont-ils compatibles avec le budget ? Tout d’abord par quelques compromis : isolation des planchers bas à l’aide de panneaux de mousse polyuréthanne (80 mm), construction d’un mur de refend en bloc béton, plancher poutrelle bloc ourdi béton plein, autant de solutions connues qui, sans être réputées biosourcées, ont l’avantage d’être efficaces et économiques. Le béton contribuant également à l’inertie du bâtiment. Le faux-plafond habituel en ces lieux est, lui, carrément supprimé : « Tout est apparent, c’est Beaubourg à l’intérieur. Une proposition esthétique qui a l’avantage, si elle est bien pensée et mise en œuvre, d’être pédagogique et de faciliter la maintenance ».
Ventilation naturelle
Pour les équipements techniques, un poste devenu particulièrement consommateur en euros (installation et maintenance), Jocelyn Fuseau parie sur l’intelligence de l’utilisateur plutôt que sur la domotique. Par exemple, les capteurs solaires thermiques sous vide, dédiés à la production d’eau chaude sanitaire et à une partie du chauffage en hiver, disposés en façade, sont orientables manuellement : « C’est très facile : en été, on les tourne à 15° vers le bas pour éviter les surchauffes et inversement en hiver pour capter le maximum de chaleur ». Le même principe est adopté pour la ventilation naturelle destinée à rafraîchir les locaux, la climatisation n’étant bien sûr pas admise : « En été l’ennemie des bureaux, c’est la chaleur ». Le trop-plein est évacué la nuit via un dispositif d’ouverture basse et haute, qui crée un effet cheminée. Ce sont les usagers qui, responsabilisés, ouvrent et ferment la ventilation en fonction des besoins : « Ce qui marche tout seul – sans réseaux, ni pompes, ni circulateurs, ni fluides, ni électronique – est économique. C’est la simplicité d’un système qui le rend exemplaire et reproductible ». Et selon l’architecte, on gagne sur les deux tableaux : « Le coût de construction est moindre, et aussi les dispositifs, simples, ne tombent pas en panne ».
Trois VMC
Mais là encore, pas d’intégrisme. Les équipements de chauffage et de ventilation fonctionnent automatiquement. Ainsi le peu de chauffage nécessaire – « ridicules, les besoins thermiques du bâtiment sont estimés à 4 kW/h » – est assuré par une chaudière à granulés bois de dernière génération d’une puissance modulable de 2 à 9 kW/h. La chaleur d’appoint, solaire et chaudière, est stockée dans un ballon d’hydro-accumulation doté d’un échangeur thermoplongeur pour une production instantanée de l’eau chaude sanitaire. Eau chaude ensuite distribuée aux circuits aérauliques de trois VMC double flux à l’aide d’échangeurs thermiques à plaque : « Nous avons trois zones de régulation en fonction de l’orientation et de l’usage des locaux ». Enfin, le caractère positif du bâtiment est apporté par la toiture photovoltaïque de 150 m2. Laquelle produit 21 500 kWh annuellement.
Pour autant, Jocelyn Fuseau pense qu’on aurait pu faire plus simple peut-être : « L’appoint thermique par échangeur, via les trois VMC, ne fait pas dans la légèreté. L’option radiateurs avec une régulation pièce par pièce par robinet thermostatique, diffusant une chaleur radiante plutôt qu’un brassage d’air, aurait été tout aussi efficace et plus simple en utilisation et maintenance ».
FOCUS
Maîtrise d’ouvrage : CRER Poitou-Charentes
Maîtrise d’œuvre : Jocelyn Fuseau, architecte, Atelier Métisse (79)
Bureau d’étude structure : Arcabois (79)
Economiste : Racine Cubic (79)
Bureau d’étude fluides : Cj Therm (17)
Entreprises
Charpente ossature bois : AEC bois (17)
Mur paille : Bois et paille (79)
Enduits terre et briques d’argile : Batisse&CO et Electra Organic (79)
Génie climatique, ventilation : Auger (79)
Solaire photovoltaïque : Ouvrard (79)
Année de construction : 2012
SHON : 452 m2
SHAB : 390 m2
Coût Total HT : 593 371 €
Coût du lot Bois HT : 193 722 €
Stéphane Miget | Source LE MONITEUR.FR
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